Chat !

Classe 2e11. Faites le plus de comparaisons entre ces 5 Fables de La Fontaine ayant pour protagoniste le Chat (par exemple : a-t-il le même rôle partout ? Quel rôle jouent les autres personnages ? Les morales sont-elles identiques ? Et les récits ?).

(1) LE COCHET, LE CHAT ET LE SOURICEAU
Un souriceau tout jeune, et qui n’avait rien vu,
Fut presque pris au dépourvu.
Voici comme il conta l’aventure à sa mère :
J’avais franchi les monts qui bornent cet état,
Et trottais comme un jeune rat
Qui cherche à se donner carrière.
Lorsque deux animaux m’ont arrêté les yeux :
L’un doux, bénin, et gracieux,
Et l’autre turbulent, et plein d’inquiétude ;
Il a la voix perçante et rude,
Sur la tête un morceau de chair,
Une sorte de bras dont il s’élève en l’air
Comme pour prendre sa volée,
La queue en panache étalée.
Or, c’était un cochet dont notre souriceau
Fit à sa mère le tableau
Comme d’un animal venu de l’Amérique.
Il se battait, dit-il, les flancs avec ses bras,
Faisant tel bruit et tel fracas,
Que moi, qui grâce aux dieux de courage me pique,
En ai pris la fuite de peur,
Le maudissant de très-bon coeur.
Sans lui j’aurais fait connaissance
Avec cet animal qui m’a semblé si doux :
Il est velouté comme nous,
Marqueté, longue queue, une humble contenance,
Un modeste regard, et pourtant l’oeil luisant.
Je le crois fort sympathisant
Avec messieurs les rats ; car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.
Je l’allais aborder, quand d’un son plein d’éclat
L’autre m’a fait prendre la fuite.
Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat,
Qui, sous son minois hypocrite,
Contre toute ta parenté,
D’un malin vouloir est porté.
L’autre animal, tout au contraire,
Bien éloigné de nous mal faire,
Servira quelque jour peut-être à nos repas.
Quant au chat, c’est sur nous qu’il fonde sa cuisine.
Garde-toi, tant que tu vivras,
De juger des gens sur la mine.

(2) LE CHAT, LA BELETTE ET LE PETIT LAPIN
Du palais d’un jeune lapin
Dame belette, un beau matin,
S’empara : c’est une rusée.
Le maître étant absent, ce lui fut chose aisée.
Elle porta chez lui ses pénates, un jour
Qu’il était allé faire à l’Aurore sa cour
Parmi le thym et la rosée.
Après qu’il eut brouté, trotté, fait tous ses tours,
Jeannot lapin retourne aux souterrains séjours.
La belette avait mis le nez à la fenêtre.
Ô dieux hospitaliers ! que vois-je ici paraître ?
Dit l’animal chassé du paternel logis.
Holà ! madame la belette,
Que l’on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays.
La dame au nez pointu répondit que la terre
Était au premier occupant.
C’était un beau sujet de guerre,
Qu’un logis où lui-même il n’entrait qu’en rampant !
Et quand ce serait un royaume,
Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l’octroi
À Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu’à Paul, plutôt qu’à moi.
Jean lapin allégua la coutume et l’usage :
Ce sont, dit-il, leurs lois qui m’ont de ce logis
Rendu maître et seigneur, et qui, de père en fils,
L’ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean, transmis.
Le premier occupant, est-ce une loi plus sage ?
Or bien, sans crier davantage,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis.
C’était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite,
Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras,
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean lapin pour juge l’agrée.
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : 
Mes enfants, approchez,
Approchez : je suis sourd, les ans en sont la cause.
L’un et l’autre approcha, ne craignant nulle chose.
Aussitôt qu’à portée il vit les contestants,
Grippeminaud le bon apôtre,
Jetant des deux côtés la griffe en même temps,
Mit les plaideurs d’accord en croquant l’un et l’autre.
Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux rois.

(3) LE CHAT ET LE VIEUX RAT
J’ai lu, chez un conteur de fables,
Qu’un second Rodilard, l’Alexandre des chats,
L’Attila, le fléau des rats,
Rendait ces derniers misérables ;
J’ai lu, dis-je, en certain auteur,
Que ce chat exterminateur,
Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde :
Il voulait de souris dépeupler tout le monde.
Les planches qu’on suspend sur un léger appui,
La mort aux rats, les souricières,
N’étaient que jeux au prix de lui.
Comme il voit que dans leurs tanières
Les souris étaient prisonnières,
Qu’elles n’osaient sortir, qu’il avait beau chercher,
Le galant fait le mort, et du haut d’un plancher
Se pend la tête en bas : la bête scélérate
À de certains cordons se tenait par la patte.
Le peuple des souris croit que c’est châtiment,
Qu’il a fait un larcin de rôt ou de fromage,
Égratigné quelqu’un, causé quelque dommage ;
Enfin, qu’on a pendu le mauvais garnement.
Toutes, dis-je, unanimement,
Se promettent de rire à son enterrement,
Mettent le nez à l’air, montrent un peu la tête,
Puis rentrent dans leurs nids à rats,
Puis ressortant font quatre pas,
Puis enfin se mettent en quête.
Mais voici bien une autre fête :
Le pendu ressuscite ; et, sur ses pieds tombant,
Attrape les plus paresseuses.
Nous en savons plus d’un, dit-il en les gobant :
C’est tour de vieille guerre ; et vos cavernes creuses
Ne vous sauveront pas, je vous en avertis :
Vous viendrez toutes au logis.
Il prophétisait vrai : notre maître Mitis,
Pour la seconde fois, les trompe et les affine,
Blanchit sa robe et s’enfarine ;
Et, de la sorte déguisé,
Se niche et se blottit dans une huche ouverte.
Ce fut à lui bien avisé :
La gent trotte-menu s’en vient chercher sa perte.
Un rat, sans plus, s’abstient d’aller flairer autour ;
C’était un vieux routier, il savait plus d’un tour ;
Même il avait perdu sa queue à la bataille.
Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille,
S’écria-t-il de loin au général des chats :
Je soupçonne dessous encor quelque machine :
Rien ne te sert d’être farine ;
Car, quand tu serais sac, je n’approcherais pas.
C’était bien dit à lui : j’approuve sa prudence :
Il était expérimenté,
Et savait que la méfiance
Est mère de la sûreté.

(4) LE SINGE ET LE CHAT
Bertrand avec Raton, l’un singe et l’autre chat,
Commensaux d’un logis, avaient un commun maître.
D’animaux malfaisants c’était un très-bon plat :
Ils n’y craignaient tous deux aucun, quel qu’il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,
L’on ne s’en prenait point aux gens du voisinage :
Bertrand dérobait tout ; Raton, de son côté,
Était moins attentif aux souris qu’au fromage.
Un jour, au coin du feu, nos deux maîtres fripons
Regardaient rôtir des marrons.
Les escroquer était une très bonne affaire :
Nos galants y voyaient double profit à faire ;
Leur bien premièrement, et puis le mal d’autrui.
Bertrand dit à Raton : Frère, il faut aujourd’hui
Que tu fasses un coup de maître ;
Tire-moi ces marrons. Si Dieu m’avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,
Certes, marrons verraient beau jeu.
Aussitôt fait que dit : Raton avec sa patte,
D’une manière délicate,
Écarte un peu la cendre, et retire les doigts ;
Puis les reporte à plusieurs fois ;
Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque :
Et cependant Bertrand les croque.
Une servante vient : adieu mes gens. Raton
N’était pas content, ce dit-on.
Aussi ne le sont pas la plupart de ces princes
Qui, flattés d’un pareil emploi,
Vont s’échauder en des provinces
Pour le profit de quelque roi.

(5) LE VIEUX CHAT ET LA JEUNE SOURIS
Une jeune souris, de peu d’expérience,
Crut fléchir un vieux chat, implorant sa clémence,
Et payant de raisons le Raminagrobis.
Laissez-moi vivre : une souris
De ma taille et de ma dépense
Est-elle à charge en ce logis ?
Affamerais-je, à votre avis,
L’hôte, l’hôtesse, et tout leur monde ?
D’un grain de blé je me nourris :
Une noix me rend toute ronde.
A présent je suis maigre : attendez quelque temps :
Réservez ce repas à messieurs vos enfants.
Ainsi parlait au chat la souris attrapée.
L’autre lui dit : Tu t’es trompée :
Est-ce à moi que l’on tient de semblables discours ?
Tu gagnerais autant de parler à des sourds.
Chat, et vieux, pardonner ! cela n’arrive guère.
Selon ces lois, descends là-bas,
Meurs, et va-t’en, tout de ce pas,
Haranguer les soeurs filandières :
Mes enfants trouveront assez d’autres repas.
Il tint parole. Et pour ma fable
Voici le sens moral qui peut y convenir :
La jeunesse se flatte, et croit tout obtenir :
La vieillesse est impitoyable.


Questionnaire sur 5 Fables de La Fontaine ayant pour protagoniste commun le chat

A) Comparer le thème de la "méfiance" du rat (ou de la souris) dans les textes (1), (3) et (5).
B) Dans tous les 5 textes, un personnage commet une erreur : expliquez en quoi elle consiste et comparez sa gravité d'un texte à l'autre.
C) Expliquez la ruse du chat dans les textes (1), (2) et (3). La chat est-il gagnant ou perdant dans les 5 fables ?
D) Montrez l'impitoyable cruauté du chat dans les textes (2) et (5). Dans lesquels le danger mortel est-il évité, grâce à qui ou à quoi ?
E) La mythologie est présente avec "Aurore", "apôtre" (dans 2) ; "Cerbère", "Alexandre" (dans 3) ; "soeurs filandières" (dans 5) ; à quoi sert-elle dans le récit ?
F) Parmi les 5 textes, lequel est le moins violent, et pourquoi ?
G) Dans un texte, il y a un quatrième personnage, absent du titre de la fable, et pourtant essentiel, pourquoi ?
H) Montrez que la morale en fin de fable concerne des groupes sociaux différents, selon les 5 textes.
I) Pourquoi la fable concernant "Bertrand" et "Raton" (texte 4) est-elle atypique, et très différente des 4 autres ?